Sous les formes, les reliefs, les couleurs des tableaux de Lamiel,
"on sent battre le coeur de l'Afrique" dirait Léopold Sédar Senghor.
L'artisan chez elle conçut sa technique, l'artiste épura sa palette
de teintes subtiles - terre de sienne naturelle, terre d'ombre brulée,
bistres cernant villages et personnages touchés par l'alizé ou l'harmattan.
Au Mali, Lamiel est fascinée par cette terre dévorante, éprise par sa pureté :
Paysages immenses, vides, immobiles contrastant avec le fourmillement pérenne de la vie. Chaleur des marchés, corps majestueux des femmes, nomades vivant le long du fleuve avec autour d'eux le temps long de l'Afrique.
Lamiel a sa méthode têtue : elle attaque par la recherche de vieux papiers, reliures, livres anciens tous piqués, texturés, jaunis, recolorés par le temps ; encore lui.
Cette tache courbée deviendra une colline ou une dune. Ces fragments de pages mouchetés,des falaises. Ces éclaboussures hasardeuses se métamorphosent en cases de pierres sèches collées dans un mortier d'argile.
Lamiel court puces, brocantes et vide greniers, fouille et récupère chez des bouquinistes éloignés.
Récupérer : re-prendre possession.
En Afrique selon Senghor les mots appellent des images dés que l'on parle.
Dans ces oeuvres-ci, les images renvoient aux mots, à des chants, à des voyages.
Une poésie d'un lyrisme discret parcourt la toile, incite à réfléchir et à rêver.
Souvent, devant une oeuvre, l'amateur d'art, à un moment le regardeur, pressé ou attentif, recule; ici, il s'approche pour scruter la posture de cet homme allongé sur sa natte, les pieds d'un enfant, cet éclat de bois incrusté, une pirogue, quelquefois un minuscule morceau de métal.
Lamiel passe du hasard de ses trouvailles à sa nécessité de peintre.
olivier Todd